Pourquoi une démarche de management des connaissances ?

, par Nicolas Béroff

Entretien avec Nicolas Béroff, Président du CIDR

Quel est le contexte de lancement de cette démarche de management des connaissances ? Pourquoi maintenant ?

Membres de l’AIDR et collaborateurs du CIDR, nous sommes tous en train de vivre une période charnière dans nos métiers et nos domaines d’intervention.

Nous partageons une même vision du développement en Afrique, les mêmes principes et méthodes d’action, le même objectif de construire des approches d’interventions les plus adaptées aux besoins des populations.
Aujourd’hui, ce sont également les mêmes défis auxquels nous sommes confrontés :

- Comment renforcer l’innovation méthodologique pour répondre à des besoins dans des domaines émergents ?
- Comment mutualiser nos diverses expériences et en tirer des enseignements pour gagner en efficacité et en qualité ?
- Comment accompagner les institutions déjà lancées dans leur développement organisationnel, et professionnaliser les cadres locaux ?
- Comment formaliser le patrimoine de connaissances détenu par les personnes pour le rendre accessible aux autres ?

Dans ce contexte de mutation, nous avons exprimé à plusieurs reprises, aussi bien dans la charte de l’AIDR que dans le plan d’orientations stratégiques du CIDR, la volonté de partager nos connaissances et nos savoir-faire.

Pour traduire cette volonté partagée sous la forme d’une démarche structurée, nous avons conduit en 2005 une étude auprès des collaborateurs du CIDR et de membres de l’AIDR, avec l’appui méthodologique d’un cabinet conseil spécialiste du Management des Connaissances.

Comment définissez-vous cette démarche ? Quels en seront les objectifs ?

Il s’agit de créer un véritable réseau de partage des connaissances entre structures partenaires au service du développement et du renforcement des institutions africaines.

Ce réseau aura pour objectif d’organiser la mutualisation et la diffusion des savoirs et des méthodes entre les membres afin d’améliorer l’efficacité et la qualité de nos interventions, et de renforcer notre capacité d’innovation méthodologique, notamment dans le domaine du développement organisationnel.

Vous parlez d’un réseau de partage de connaissances plutôt que d’un centre de Management des Connaissances. Pour quelle raison ?

Ce que nous construisons, ce n’est pas une bibliothèque en ligne mais bien un dispositif de partage « vivant », qui s’appuie sur des réseaux humains.
Comme l’a dit très justement un participant au diagnostic «  il ne suffit pas de mettre les outils à disposition, il faut aussi travailler sur l’adaptation et la réappropriation des outils ».
Bien sûr, cela impliquera de définir de nouveaux rôles d’intermédiation et d’accompagnement à la diffusion du savoir. C’est une question centrale.

Quant à la plateforme technologique fédératrice, le portail, c’est l’outil indispensable au bon fonctionnement de ce réseau, avec les fonctionnalités nécessaires au partage et à la pérennisation de notre patrimoine de connaissances.

Quels sont les bénéfices attendus ?

Il s’agit de créer une boucle vertueuse associant 4 composantes :

- Mutualiser la recherche par le développement de collaborations transversales
- Pérenniser les connaissances par la mise en place d’un processus de capitalisation et l’organisation d’un référentiel
- Rendre accessibles les connaissances utiles à la fonction et à la tâche, en s’appuyant sur l’analyse des processus
- Accompagner la diffusion des savoirs et leur appropriation par la mise en place de relais humains et de dispositifs pédagogiques.

Quels seront les impacts sur les structures ?

La dynamique de mutualisation impliquera que chacune des structures revisite ses propres pratiques, notamment en matière de capitalisation et de conduite de projet.
C’est ce que nous sommes en train de faire, à titre pilote, au CIDR.
Cet effort sera un prérequis pour jouer pleinement un rôle dans la production de connaissances et en tirer des bénéfices sur le terrain.
Bien entendu, les nouveaux membres bénéficieront des retours d’expériences et de l’appui méthodologique des autres structures. Ainsi le CIDR partagera son expérience de pilote en matière d’analyse des processus et de capitalisation.

Comment concrètement va s’effectuer la mise en œuvre ?

Ce n’est pas un « big bang », mais une progression en étapes. J’imagine 3 grandes phases séparées par des jalons de décision :

- En phase 1, le CIDR met en œuvre des actions pilotes sur le périmètre de sa structure. Les membres de l’AIDR et leurs structures sont invités à participer à l’expérimentation en tant qu’utilisateurs. A l’issu de cette phase, qui doit se dérouler sur l’année 2006, les membres de l’AIDR se prononcent sur l’élargissement du périmètre à leurs structures.

- En phase 2, les structures volontaires s’engagent dans des actions d’amélioration de leurs processus et pratiques de capitalisation, en s’appuyant sur l’expérience du CIDR. Elles acquièrent un rôle actif en tant que producteurs de connaissances.

- Enfin, en Phase 3 : L’extension du périmètre se poursuit, des institutions sélectionnées peuvent être invitées à rejoindre le réseau, avec l’appui méthodologique des structures de l’AIDR.

Quels sont selon vous les critères de succès d’une telle démarche ?

Nos objectifs sont très ambitieux, il ne faut sous-estimer ni les efforts à fournir au départ, notamment en matière de capitalisation, ni la conduite du changement. Faire évoluer ses façons de faire, apprendre à partager ses pratiques, à mutualiser ses expériences, à capitaliser, à former, à faire confiance... cela ne va pas de soi, et les bénéfices ne sont pas forcément immédiats !

Nous veillerons à ce que la démarche reste la plus concrète possible. Ainsi, les actions pilotes en cours n’ont pas été choisies au hasard : elles répondent à des attentes prioritaires des acteurs, et elles sont conçues pour aboutir rapidement à de premiers livrables.

D’autre part, les efforts individuels et collectifs réalisés seront valorisés. A ce titre, je tiens à souligner le travail remarquable fourni par les équipes de microfinance et ESOP en matière d’analyse de processus et de capitalisation.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer ?

La priorité est que chacun comprenne bien l’enjeu de la démarche. Aussi, je vous invite tous à exprimer vos réactions, questions et suggestions diverses sur le forum, qui, comme l’ « arbre à palabres » est un espace d’écoute et de concertation.